Génération Maison Relais

Voilà que, études menées en grande pompe à l’appui, on proclame le souci de connaître d’éventuelles conséquences altérant le bien-être des enfants qui s’ensuivraient de la pandémie et des mesures y liées. « Génération corona » ou même « génération perdue » sont les termes récemment construits, germés par la hantise de retards scolaires ou autres effets malencontreux qui pourraient être dus à quelques semaines d’école à la maison ou à d’autres petites contraintes – la soumission à de telles, peu importe de quelle nature, n’étant hélas plus du tout familière à nos enfants.
Cette perte continuelle de la culture de l’effort, qui génère bon nombre des difficultés dont souffre la jeunesse d’aujourd’hui et dont celle de demain portera encore davantage le fardeau, est certes observable dans le domaine de l’école, mais s’inscrit dans un environnement sociétal bien plus élargi, général, et s’affilie dans la même lignée qu’un changement de presque l’intégralité du mode de vie établi qui fonctionnait bien. S’il est impossible de définir exactement le moment de l’avènement de cet ébranlement, il prit racine dans tous les chamboulements successifs qui renversèrent un par un les beaux principes et fondements d’une société solide érigée par nos aînés.
Les craintes qu’engendre le déclin du produit du système scolaire sont certes justifiées, mais se doivent d’être perçues dans un contexte global et surtout indépendamment de la situation actuelle. Si certains effets de la crise ont creusé des gouffres, ceux-ci étaient déjà présents, résultat de facteurs sociétaux qui s’alimentent entre eux. L’un d’eux réside dans le fait de la délocalisation de l’éducation extra-scolaire en dehors du cadre familial. Si le Luxembourg figure parmi les pays offrant le congé parental le plus étendu et souple, les allocations de maternité et d’éducation n’ont pas moins été abolies afin de forcer les femmes à travailler hors maison, dans le but de leur offrir une soi-disant indépendance, alors que, pour satisfaire cette noble cause, il aurait suffi de rémunérer le précieux travail presté en tant que femme au foyer. L’idée fut plutôt nourrie par des considérations économiques ou puisée dans la mare idéologique féministe visant à dévaloriser le statut de mère.
Ainsi est imposé à de nombreux enfants un mode de vie dénaturé ; foyers de jour, crèches, garderies et autres structures d’accueil ne pouvant édifier qu’un décor très artificiel, les privant d’expériences cruciales à leur développement affectif et cognitif. Les répercussions de ces manques déploient également toute leur visibilité à l’école. Pour ne citer qu’un exemple, la transmission intergénérationnelle fait défaut à nombre de jeunes, alors qu’elle constitue un élément décisif – malheureusement sous-estimé- quant à la réussite scolaire.
L’épouvante d’une «génération covid» est donc assez surprenante dans une société qui s’adonne aussi farouchement à forger une « génération maison relais ».
Kelly Meris
Strassen