Peu importe sous quelle forme elle se concrétisera, une modification du système des pensions est inévitable, comme l’a confirmé le Premier ministre. L’OCDE, qui vient d’adresser ses recommandations au gouvernement, suggère de revoir à la hausse l’âge officiel du départ à la retraite, mais surtout l’âge effectif ; au Luxembourg, les retraites anticipées s’accumulent. 
 
Ce sujet sensible soulève par-dessus tout une question cruciale : Pourquoi n’aime-t-on plus son travail ? Évaporé, l’enthousiasme du premier jour de la « vie active » ? Se souvient-on encore de la fierté d’appartenir au « monde du travail », synonyme d’indépendance financière, de liberté, d’être adulte ? 
 
En faisant abstraction des métiers demandant un grand effort physique, impactant la santé, dont une prolongation des années d’activité réclame des considérations autrement approfondies, c’est surtout dans les entreprises de tous genres que le bât blesse. Les professions libérales semblent moins touchées par le phénomène des retraites avancées ; on connaît tous un médecin ou juriste âgé qui exerce avec bonne humeur dans son cabinet. Afin de venir à bout du problème, une analyse sincère s’impose. Osons aborder les vérités dérangeantes.
 
La digitalisation obligée dans tous les secteurs a manqué son objectif : elle n’a pas facilité la tâche des employés ; elle a rendu complexes des déroulements qui furent simples. Ce qui pouvait être accompli en un coup de fil requiert désormais maints processus ainsi qu’une panoplie de mots de passe. Finalement, la difficulté surmontée, une nomenclature inexacte risque de réduire à néant tous les efforts fournis. Une paperasserie sans pareille (sous forme digitale évidemment), qui s’applique à tous les domaines, de l’éducation au monde financier, ne cesse de compliquer les missions des salariés. C’est lassant, c’est décourageant - et ce n’est pas un détail lorsqu’on le vit au quotidien. À cela s’ajoute, dans presque toutes les branches, une suppression constante de postes, ce qui mène à une surcharge de travail pour chaque rémunéré en particulier. On assiste à une déshumanisation de certains services dont souffrent non seulement les prestataires, mais aussi les bénéficiaires. (Clients déçus devant des guichets fermés ; énervés en file d’attente devant l’unique caisse ouverte). Pour correspondre à l’idée de la compétitivité immédiate, on refuse de voir les facteurs y relatifs qui finissent par nuire à long terme à la productivité. La diminution de la composante humaine, sous le joug du progrès technologique, créant un vrai malaise chez les préposés, doit impérativement être interrogée au sein des entreprises. N’oublions pas non plus le poids des idéologies qui submergent la vie professionnelle et qui minent l’ambition (exigence de parité primant l’effort individuel etc.) 
 
Repenser certains dogmes de la modernité contribuera peut-être à rendre le travail de nouveau moins mal-aimé.
 
 
Kelly Meris-Weber
Strassen