Le silence de la violence

L’affaire Bétharam en France a révélé une nouvelle fois à quel point le silence fait loi au sein de l’Eglise catholique. Pendant des décennies ce silence des auteurs de violences physiques, psychologiques et sexuelles, le silence de la honte des victimes de cet établissement, jusqu’au silence mensonger des politiciens en charge (voire Fr. Bayrou, actuel Premier ministre français), a brisé la vie des victimes abusées et violentées. Ceci vaut pour toutes les victimes d’abus sexuels et de violences physiques commises par des membres du clergé. Sortir de ce silence a été, et reste une épreuve pour celles et ceux qui ont décidé de faire entendre leurs voix, malheureusement des dizaines d’années trop tard.
Il en est de même du silence qui cache encore trop souvent l’ampleur des violences conjugales, menant jusqu’aux féminicides ou suicides, faute de pouvoir parler en sécurité du calvaire de ce que ces femmes ou hommes endurent. La prise en charge des plaintes est encore trop hasardeuse et varie beaucoup selon les différents lieux où les plaintes sont déposées. Si dans les grandes villes, les commissariats sont déjà plus ouverts et équipés en personnel pour faire face au nombre toujours croissant de plaintes pour violences conjugales, ce n’est pas le cas dans les milieux ruraux où tout le monde se connaît. La honte et le sentiment d’incompréhension qu’éprouvent très souvent les victimes dans ces milieux sont l’origine d’un silence fatal.
Le silence de la violence dans le domaine politique a des conséquences encore plus dévastatrices. Le silence de la culpabilité, par exemple, envers les victimes juives de la Deuxième Guerre mondiale a créé un Monstre. Ce Monstre, en l’occurrence B. Netanyahou et son gouvernement, peut commettre les pires crimes contre l’humanité, un génocide documenté par les images de quelques médias et associations d’aide humanitaire qui brisent l’omerta voulue par les politiques. A part de rares personnages politiques qui dénoncent ouvertement un « nettoyage ethnique », comme l’a fait Volker Türk (haut-commissaire de l’ONU) ou le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, qui plaide pour « intensifier la pression sur Israël pour arrêter le massacre à Gaza » (cf. La Tribune du Dimanche, 18.05.2025), trop de responsables politiques n’ont même pas le courage de reconnaître officiellement le droit des Palestiniens à un Etat indépendant. A ce sujet, il faut regretter que le gouvernement luxembourgeois en fait malheureusement partie. Si on attend encore un peu, on ne pourra plus que reconnaître un « Etat fantôme » sans peuple ! Il y en a même qui refusent d’appliquer la loi en ignorant le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale contre Netanyahou pour « crimes contre l’humanité ». A part quelques phrases de convenance sans aucune conséquence politique, rien … le silence violent persévère et affame aujourd’hui des milliers d’enfants à Gaza sous les yeux impuissants des quelques aides humanitaires sur place.
En ce qui concerne la guerre entre l’Ukraine et la Russie, le silence est un autre, mais tout aussi mortel. On met sous silence l’importance politique et surtout économique que ce conflit représente pour l’Union européenne. Sans cette guerre et l’opportunité extraordinaire qu’elle représente pour l’industrie de l’armement, qui reste le dernier fleuron rentable en Europe, maints pays membres de l’Union européenne se verraient confronter à un échec économique proche de la faillite. Mais il faut garder les vraies raisons de l’intérêt de cette guerre sous un silence hypocrite et mensonger.
Le silence de la violence est institutionalisé dans une société avide de bonnes nouvelles et de bons résultats, n’importe le prix que paient les milliers et milliers de victimes innocentes à travers le monde.
Une société qui se veut démocratique et émancipée ne peut et ne doit plus fermer les yeux et surtout crier haut et fort que le temps du silence de la violence est révolu !
Christiane Kutten-Serafini