Le 9 novembre 2005 les chaînes de radio et de télévision de RTL ont diffusé dans leurs programmes en langue Luxembourgeoise l'interview d'un " témoin anonyme " soutenant avoir identifié dans la matinée du 9 novembre 1985, vers 03.30 heures, une personne dans une voiture devant la porte de l'aéroport du Findel près du château d'eau se situant à l'intersection de la route de l'Europe et la route de Trêves. La porte en question se situe à plus de 450 mètres des lieux où des explosions devaient se produire le même 9 novembre peu après 22.00 heures, attentat à l'explosif qui est à attribuer au groupe non identifié à ce jour des " Bommeléerten ".

Le témoin ajoutait que dans la suite il avait fait l'objet de pressions de la part de personnes se déclarant être membres de la Sûreté Publique pour qu'il ne révèle jamais le nom de la personne qu'il déclarait avoir vu dans la voiture.

Finalement, le témoin déclara dans une interview à RTL du 11 novembre 2005 que Monsieur le Premier Ministre était la seule personne en qui il avait confiance et à qui il confierait le nom de la personne reconnue par lui aux lieu, date et heure indiqués ci-avant.

Monsieur le Premier Ministre accepta de rencontrer le témoin le 14 novembre 2005 et lors de cet entretien le témoin affirma avoir vu dans les circonstances prédécrites dans la voiture en question S.A.R. le Prince Jean de Luxembourg.

Dans la matinée du 15 novembre 2005 Monsieur le Premier Ministre transmit l'information au Procureur d'Etat, lequel continua l'information par écrit à Madame le juge d'instruction Directeur.

Dès le 15 novembre 2005 Madame le juge d'instruction Directeur confiait aux enquêteurs en charge du dossier la mission de recueillir les déclarations du témoin et de vérifier celles-ci.

Le 9 décembre 2005, S.A.R. le Prince Jean de Luxembourg fut auditionné par la police judiciaire. Selon les déclarations du Prince Jean de Luxembourg, qui a collaboré avec les autorités judiciaires, il se trouvait en France à une chasse dans le Loir et Cher à la date indiquée par le témoin. Pour les journées des 9 et 10 novembre 1985 il produit une copie d'une lettre du 11 novembre 1985 lui adressée à l'époque et qui fait état de cette même chasse. Il produit une attestation testimoniale de la part de l'auteur de la lettre, qui confirme l'authenticité et l'envoi de celle-ci au jour de sa date. Le Prince Jean de Luxembourg verse en outre une attestation testimoniale émanant d'une personne ayant pris part à la dite chasse et confirmant sa présence à cette chasse en date des 9 et 10 novembre 1985. Cette attestation est accompagnée de photos prises à l'occasion de la chasse, le Prince Jean de Luxembourg figurant sur plusieurs de ces photos. Finalement, l'intéressé fait communiquer à Madame le juge d'instruction Directeur l'original du livre de chasse comprenant les inscriptions relatives à la chasse susindiquée ; le Prince Jean de Luxembourg figure parmi les personnes inscrites à la chasse.

Tous les éléments qui précèdent permettent de conclure que le Prince Jean de Luxembourg ne se trouvait pas au Luxembourg en date du 9 novembre 1985, date de l'attentat à l'explosif au Findel.

L'enquête diligentée à la suite des déclarations du témoin a permis de constater qu'en novembre 1985 un enquêteur de la Sûreté Publique avait pris contact avec le témoin et avait recueilli ses informations sous forme d'une note au dossier, il est vrai non signée par le témoin.

Les déclarations actuelles du témoin faites devant les enquêteurs de la police judiciaire et Madame le juge d'instruction Directeur divergent sur certains points de celles actées au dossier en 1985 ; ainsi, la note au dossier ne renseigne pas d'identification de la personne ayant pris place dans la voiture ; la description du physique de cette personne et l'identification et la couleur de la voiture données actuellement divergent des données actées en 1985 ; il y a par ailleurs une incertitude au sujet de l'heure de la constatation des faits par le témoin.

L'enquête a d'autre part permis de constater qu'il existe des divergences entre les déclarations actuelles du témoin et les éléments objectifs du dossier, notamment en ce qui concerne les conditions météorologiques en date du 9 novembre 1985 et les horaires de son travail .

Il reste que le témoin a confirmé devant les enquêteurs du Service de police judiciaire et Madame le juge d'instruction Directeur avoir reconnu le Prince Jean de Luxembourg au cours de la matinée du 9 novembre 1985 près du Findel dans les conditions prédécrites.

En ce qui concerne les pressions dont le témoin affirme avoir fait l'objet, si de nombreux devoirs d'enquête ont été effectués, ceux-ci n'ont cependant pas permis à ce jour de déterminer ce qui s'est réellement passé ; ce volet de l'enquête est toujours en cours.

Dans le cadre de l'enquête, des vérifications ont par ailleurs été faites en ce qui concerne l'emploi du temps du Prince Jean de Luxembourg au cours des années 1983 à 1986, notamment pour les dates des autres attentats à l'explosif commis au cours des années 1984 à 1986. Si pour un certain nombre de dates, l'intéressé n'est plus en mesure de retracer son emploi du temps en raison de l'écoulement du temps, il a pu être établi que pour d'autres dates, le Prince Jean de Luxembourg soit se trouvait à l'étranger, soit prenait part à des activités documentées au Luxembourg.

Le Prince Jean de Luxembourg a marqué son accord à ce qu'un prélèvement ADN soit effectué sur sa personne en vue de la comparaison de ce prélèvement avec des traces prélevées dans le cadre des crimes en question. Le résultat de l'expertise ordonnée par Madame le juge d'instruction Directeur est négatif.

Conformément aux critères habituellement appliqués en matière d'appréciation des indices et des témoignages, dans le cadre d'une instruction judiciaire, Madame le juge d'instruction Directeur a décidé, eu égard aux éléments du dossier, de ne pas donner de plus amples suites à cette piste.

Il résulte de ce qui précède que l'enquête effectuée permet de conclure que le Prince Jean de Luxembourg n'est pas impliqué dans les attentats à l'explosif d'une façon ou d'une autre.

Depuis la commission des attentats à l'explosif au cours des années 1984 à 1986, l'instruction pénale destinée à en identifier les auteurs n'a à aucun moment été abandonnée. Il a été et est toujours dans l'intention des autorités judiciaires de mener cette affaire à son terme. Pour ce faire, les autorités judiciaires ont notamment décidé en 2002 de procéder, à l'aide du groupe d'enquêteurs du Service de police judiciaire chargés spécialement de l'enquête des attentats à l'explosif, à une nouvelle analyse de tous les éléments du dossier et d'enquêter sur d'éventuels éléments nouveaux.

Actuellement, l'instruction est toujours en cours.

Luxembourg, le 22 février 2006

Le Parquet de Luxembourg