Hommage à Bruno Ferrero, ancien gardien des « Bleus », de Rumelange et du Fola.

Il y a quelques semaines en arrière, une annonce mortuaire repérée parmi tant d'autres dans un vénérable journal bien de chez nous et qui en large partie et depuis toujours en fait son fonds de commerce, nous a attristé, nous faisant trouver soudain notre café du matin un brin plus amer.

C'est qu'on nous y avisait très dignement du décès, à quelques 89 ans de Monsieur Bruno Ferrero, sa famille éplorée indiquant qu'une cérémonie religieuse aurait lieu quelques jours plus tard en l'église de Tressange, à un jet de pierre de chez nous, voire à pas bien plus loin en fait, qu'un long dégagement du pied d'un ballon de foot à partir de la surface de réparation, tout près de l'autre côté de la frontière dans le pays haut lorrain.

Si nous nous sommes risqués à cette métaphore, surprenant par là quelque peu le public non avisé , et même ceux et celles s'intéressant de près, voire faute de mieux, à l'insipide foot luxembourgeois actuel, car faisant allusion à un temps que les jeunes footeux d'aujourd´hui, ignorant leurs classiques, ne sauraient connaitre, c'est que nous l'aurons voulu !

Alors dans le souci d´éclairer la lanterne des uns, voire de le rappeler au bon souvenir de tant d'autres des deux côtés de la frontière, tout en rendant hommage à la fois à un homme de bien et un grand sportif, permettez-moi de lui rendre un dernier hommage en évoquant par ces quelques lignes son passage parmi.

La photo de Bruno Ferrero sur le journal le montre tel qu'il fut, élégant, fier et moustachu, l'air à la fois un peu sombre et bienveillant, nous rappelant un peu Georges Brassens en son temps... droit dans ses bottes, façon de parler, même s il n'y figurait qu'en buste sur la photo.

Il faut savoir que Bruno Ferrero né à Tressange sur le plateau de Briey et ayant vécu après sa retraite des années durant à Kayl, eut une très longue carrière sportive en tant que footballeur au poste de gardien de but, dont on pourrait qualifier le surprenant parcours à la fois d'atypique et de magnifique !

Retraité et d'un caractère discret, ne cherchant pas la lumière à tout prix, une fois sorti de la mine de fer, ceci pouvant expliquer en partie que ceux qui ont la mémoire courte l'aient quelque peu perdu de vue, d'autres heureusement ne voyant bien que par le cœur, se l'étant gardé en mémoire.

Bruno Ferrero, fils d'immigrés italiens originaires du Piémont, venus comme tant d'autres de leurs concitoyens chercher et trouver du travail dans le bassin minier franco-luxembourgeois, emboita le pas à son père en devenant mineur. Après avoir fait son apprentissage du côté de Tressange, le jeune Bruno vint travailler au carreau St. Michel à Audun-le-Tiche, voire chez Cockerill au « Ellergronn ». C'est à Audun, qu'il prit une licence de footballeur à l'A.S. locale avec laquelle, il y a belle lurette, il remporta une Coupe de Lorraine, qui du coup, et d'après sa compagne de vie, fut le premier d'une longue liste de clubs qu'il allait intégrer par la suite.

Bien que pas très grand pour un gardien avec ses 1m72, mais compensant ceci par un excellent placement - son image de marque - paré de bons réflexes sur la ligne, il excella d'entrée dans les buts et c'est ainsi qu'il ne tarda pas d'attirer l'attention des dirigeants de l'A.S. Nancy, qui, dans la foulée le débauchèrent de la mine en le recrutant pour leur équipe première après lui avoir fait signer un contrat professionnel. Un contrat aux conditions, certes bien moins mirobolantes que ceux d'aujourd'hui, mais financièrement toujours largement plus intéressantes par rapport à ce qu'il gagna jusque-là en trimant dur sous terre. Il allait y passer de 1957 à 64, pas moins de sept saisons, dont quatre en ligue 1 d'époque! En 1962 il parvint même à se hisser avec Nancy en finale de la Coupe de France contre l'A.S. St. Etienne, à laquelle Ferrero, après une belle prestation, à 4 minutes de la fin, ne concéda qu'un seul but au stade de Colombes, permettant ainsi aux «Verts» de l'emporter par le plus petit des scores c.à.d. par 1:0 !

Ce fut cependant une semaine auparavant, le cinq mai 1962, que Bruno Ferrero avait sans aucun doute connu l'apothéose de sa carrière en étant convoqué par l'entraîneur Albert Batteux en équipe de France pour jouer, ce qui plus est... contre l'Italie! C´était sa seule et unique sélection et ce fut à Florence qu'il eût l'honneur - imaginez donc, lui le petit «rital » du plateau lorrain - ! de garder les buts des « Bleus », qui allaient finalement devoir s'incliner par 2:1 contre les « Azzuri ». A noter qu'à l'occasion du 100ième anniversaire de la F.F.F., le dix avril 2019, il eut l'honneur de se faire inviter avec d'anciens internationaux au Stade de France, où il fut présenté au public en lever de rideau du match amical opposant la France à l'Islande. (4 :O)

Avant de réintégrer le club au chardon en 1959, Bruno avait encore fait une pige d'un an à Forbach ne rejoignant l'U.S. Rumelange au Luxembourg qu'en 1965, une fois sa glorieuse carrière professionnelle terminée. C'est dans la cité des roches rouges, qu'il allait retrouver et son but, ses marques et ses repères tout en reprenant le travail, mais cette fois-ci comme simple ouvrier à l'usine de Belval. Et oui... c'est qu'en ces temps, un pro à moins d'être du Real, avec ce qu'il gagnait, avait du mal à assurer ses arrières! Il y passa trois saisons et c'est là et plus précisément lors des rencontres avec la Jeunesse d'Esch, qu'il nous en imposa de par son superbe « Stellungsspill », terme que nous formulions à l'époque. C'est par son placement judicieux et celui de ses défenseurs devant lui, précédé d'une tout aussi excellente lecture du jeu, que Bruno Ferrero après avoir roulé sa bosse, les rouges blocs de minerai de fer compris, avait vite fait de conquérir le cœur du public luxembourgeois. Connaisseur, ce même public le chérissait et appréciait son style, son grand flegme dû à son immense expérience à haut niveau et sa classe demeurée intacte. Là ou d'autres gardiens à l'instar du jeune et fantasque Debanck dudelangeois, se faisaient remarquer par des plongeons spectaculaires voire risqués, lui en restant serein, mais tout aussi efficace, n'eût point besoin d'en rajouter en amusant la galerie, dont en tant qu'ancien de la mine, il devait pourtant connaître tous les méandres. Ferrero bien que d'une grande gentillesse et d'un fair-play à toutes épreuves, savait néanmoins se faire respecter dans sa surface de réparation, n'y allant pas par quatre chemins pour capter la balle, servi dans ses sorties par des pognes qui ne furent pas en chocolat...

Suivi en 96, par Carmelo Micciche, pour une saison à Rodange et y coaché par l'ami Norbert Keiser, puis Tony Vairelles au F91 et Cyril Pouget à la Jeunesse, Bruno Ferrero fut donc le premier international français frontalier venu parachever sa carrière footballistique en amateur au Luxembourg!

Bruno Ferrero, suite à son passage à Rumelange et venu entretemps résider à Kayl, raccrocha définitivement ses crampons de footballeur après trois ultimes saisons à Audun (1969 à 72), suivies de trois autres au C.S. Fola, club dont la direction, faisant honneur à sa devise, « folamen gentlemen » et en reconnaissance à la fois de son charisme et des services sportifs rendus, n'a pas manqué d'adresser parmi les tous premiers ses très sincères condoléances à sa partenaire éplorée, Mme Lily Schaack, qui d'après ce qu'elle nous dît, en fut très touchée !

Guy van Hulle