Argument pour la paix

Faire le tour d’horizon, c’est s’engager pour la paix en se rappelant l’importance de la circonspection dont nous avons besoin pour vivre ensemble, au lieu de succomber à des confrontations à tour de rôle et à une violence en spirale, c’est redécouvrir la justice, pour qui l’être vivant (la création animée) ne se rencontre pas moins en Ukraine qu’en Russie, en Israël qu’en Palestine, en Chine qu’aux États-Unis, au Luxembourg qu’au Soudan, disons aux quatre coins du monde.
Or, qu’est-ce que l’horizon au juste et que nous enseigne-t-il ? Provenant du grec « ho horizôn kyklos », il s’agit de « la limite circulaire de la vue, pour un observateur qui en est le centre » (Le Petit Robert), une idée, qui se retrouve bien sûr aussi dans d’autres langues comme par exemple l’hébreu où le mot « pānîm » pour visage vient du verbe « pānāh » pour tourner, et dont la signification joue entre autres un rôle déterminant dans la vision prophétique d’Ézéchiel sur les quatre Vivants aux quatre visages complémentaires – le labeur et le pouvoir, la présence physique et l’envol spirituel s’adossant en chacun de ces êtres Vivants au lieu de s’affronter, le principe de l’alliance et de la concorde les éclairant du milieu –, qui se trouvent aux quatre coins cardinaux avec pour chacun une roue, en hébreu xôpan (pl. xôpannîm), auprès de lui, ces roues identiques quant à la forme et à l’ouvrage et s’inscrivant ainsi dans un cercle universel qu’elles reflètent chacune à son endroit de façon à faire l’effet d’un circuit entièrement cohérent (voir Ez 1,1-2,2 ainsi que 10,1-22 et Ap 4,1-11).
N'est-ce pas un même horizon vital que nous partageons au gré des circonstances, cet horizon universel à polyvalence concentrique qui nous a pour centres relatifs de façon à expliquer nos propres horizons aux quatre coins du monde comme inhérents les uns aux autres, des horizons qui nous invitent à la prudence en ce qu’ils nous sont propres, et à l’empathie en ce qu’ils reflètent l’horizon vital commun à la création globalement animée ?
L’horizon nous apprend en effet à être prudents et à ne pas commettre d’injustices qui finiront tôt ou tard par poindre à l’horizon sous forme d’animosités et de dangers. Si nous exploitons et maltraitons les gens ailleurs, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils y restent tranquillement tout en nous laissant faire. Un peu de bon sens nous invite à veiller à la justice autour de nous, internationale, sachant que la malfaisance tend à se retourner contre le malfaiteur. La malfaisance est révoltante. Puis la réalité, qui est animée en chacun de nous, ne peut rien vouloir d’autre que se respecter selon cette réciprocité, qui la fait se miroiter et se reconnaître les yeux dans les yeux. L’empathie est une vraie question d’horizon et de réalisme. Manquer d’empathie, c’est évidemment manquer d’horizon et se perdre. Ensuite, il n’est pas besoin d’être explicitement religieux pour veiller à la prudence et à l’empathie que le fait religieux ne peut que soutenir et qu’il garantit à condition de témoigner de spiritualité et d’érudition.
En effet, l’horizon ne s’arrête pas à la prudence ni à l’empathie prises séparément, puisque, sous le regard de la vérité, celles-ci se rencontrent encore et surtout à titre de communion en leur centre omni-valent qui, pour ne pas être relatif ou concentrique à titre de polyvalence, doit être éminent en étant à la fois suréminent et inhérent. Il s’agit du centre par excellence célébré en lui-même et grâce à lui-même. Indiquez-moi ce centre selon une métaphysique bien incarnée (compte tenu du néant strictement relatif), et on se parlera du juste incontournable, dont la présence intégrante (du latin « integro » : réparer, refaire ; voir aussi le français « intégrer » : rendre complet, achever) voue la malfaisance à la défaite, ce juste, dont l’amour disqualifie la malfaisance dont il ne veut pas, ni n’en a jamais voulu, au terme de sa passion historique hors pair, et dont l’horizon justifie la miséricorde pour qui regrette le mal et s’en détourne, la vraie justice n’ayant que la bonté au cœur de son action universelle pour la paix.
Y a-t-il un foyer vital éminent (à la fois suréminent et inhérent ; voir e. a. le magistère du concile œcuménique de Chalcédoine en 451) en qui se focalisent tous nos horizons au-delà de leurs centres purement relatifs ? Ou qu’en est-il de « l’oriens ex alto » (Lc 1,78) et du jour sans déclin (Gn 2,1-4a) ? Au lieu d’imiter le soldat, qui d’un coup de glaive a tué Archimède, penchons-nous en tout cas sur le cercle appelé horizon pour apprendre à vivre en paix, la circonspection nous obligeant sans plus attendre à la bienfaisance universelle.
« […] la jeune fille voulait savoir d’Eucaryotès ce qu’était un philosophe avant de se rendre à Athènes et d’y découvrir les arts. Le cyclope fixa l’horizon, puis, après un silence », il parla. (Voir J. Gilniat, Le fabuleux cyclope Eucaryotès, Anecdotes, Edilivre, p. 20).
Marc Gilniat / Eppelduerf