Connu également sous le nom de Chemin de Stevenson

Comme je l’avais laissé entendre l’année passée, 2014 est marqué par une pause sur le Camino, où j’ai, pour des raisons pratiques, décidé de ne plus continuer mes randonnées avec les ânes.

Quand mon ami et très grand connaisseur des ânes me parlait fin 2013 qu’il envisageait de faire une grande randonnée avec un âne et qu’il était à la recherche de personnes qui seraient prêts à se joindre à lui, je l’ai aussitôt informé que je serais de la partie. Comme son épouse Christiane souhaitait également l’accompagner malgré un problème ponctuel de mobilité visuelle, il fallait trouver une personne qui pourrait lui prêter main forte au cas où. Lors d’une réunion entre les amis d’ânes, c’est Gisèle qui nous informa qu’elle serait prête à nous accompagner à condition qu’elle puisse amener son chien Browny.

Voilà quatre personnes pleines de bonne volonté avec une idée que certaines autres trouvent très intéressante. Mais, comme on pouvait s’y attendre, elles ne pouvaient malheureusement pas se joindre à nous pour tout un inventaire de causes qui sont les leurs.

Le choix du chemin est finalement tombé sur le GR 70, également connu sous le nom de Chemin de Stenson. Nous avons convenu de partir dans la semaine qui suivait les élections européennes du mois de mai.

Robert Louis Stevenson est un auteur écossais que beaucoup connaissent pour avoir écrit « L’île au trésor. » Le fait qu’il est à l’origine du Chemin de Stevenson est moins connu. Le vingt-deux septembre mille huit cents soixante-dix-huit, Stevenson est parti pour douze jours avec l’ânesse Modestine qu’il avait louée sur place depuis Le Monastier-sur-Gazeille dans le département de la Haute Loire jusqu’à Saint-Jean-du-Gard, dans le département du Gard. Par la suite, ce trajet d’une longueur de deux cent vingt-sept kilomètres est devenu le chemin de Stevenson.

Faute d’avoir fait des recherches plus intensives sur le chemin, nous savons aujourd’hui qu’il est plus que fréquenté. Si on veut trouver un gîte pour la nuit, il faut le réserver bien à l’avance. Tous ceux qui n’avaient pas rencontré de difficultés pour trouver un logement avaient réservé au plus tard au mois de janvier pour randonner fin mai. Vous devinez que cette omission dans nos préparatifs allait nous réserver encore bien des surprises – vous en lirez plus par la suite.

Si certains exploitants sur le chemin gagnent une partie de leur revenu avec la location d’ânes, il est évident que nous ne partirions pas sans les nôtres.

Comme Nicolas et moi-même avons plusieurs milliers de kilomètres d’expériences de randonnées avec nos ânes à notre actif, nous n’avons pas trop consacré de préparatifs spéciaux pour le chemin. Signalons quand même trois choses : nous avions uniquement réservé un gîte pour la première nuit, pas emmené une tente et, contrairement à ce que j’avais espéré, nous n’avons pas trouvé un accompagnateur qui pourrait prendre Basile, puisque Henry est mon âne préféré – il sera donc hors de question qu’il reste à la maison. Ce sera donc Basile qui ira « en pension » chez les autres ânes de Nicolas, que son frère gardera pendant notre absence.

Lors de la seule réunion de préparation que nous avons eue chez moi, nous avons rassuré Gisèle qui n’avait pas trop d’expérience randonneur longue durée. C’est bizarre comment les choses se passent parfois : alors qu’on aurait pu s’imaginer que nous parlerions du chemin, nous avons consacré une grande partie de la soirée sur la nourriture et sur qui mange quoi au quotidien. Voici un extrait que seuls les participants savent apprécier à leur juste valeur : Gisèle ne mange pas d’ail, Christiane est végétarienne, moi qui risque d’avoir des problèmes d’estomac en consommant du pâté et Nicolas qui mange tout.

Pour parer à tout, Nicolas avait pris soin de trouver un endroit où nous pourrions laisser un van pendant la randonnée. C’est à Goudet qu’il avait réservé de sorte que nous avons sauté l’étape Monastier – Goudet.

Le mardi vingt-sept mai, j’étais à huit heures chez Nicolas. Alors que Henry restait dans le van pour m’accompagner sur la randonnée, c’était le temps de prendre congé de Basile qui passerait les prochains jours avec les ânes de Nicolas. Comme nous avions décidé de partir avec deux voitures auxquelles chacun avait attaché son van. Titus devait rentrer dans le van de Nicolas. Une fois qu’il avait daigné y rentrer et que la portière se fermait derrière lui, il commença à protester de sorte qu’on se posa des questions sur le bien-être du van. Par la suite, nous avons estimé qu’il serait peut-être mieux soit de mettre Henry dans le van de Nicolas, soit de loger Titus dans mon van avec Henry. C’est cette dernière option qui a été retenue et, du coup, monsieur se calma et se comporta comme si de rien n’était.

Après un passage à la boulangerie locale, nous avons essayé de rejoindre l’autoroute. Juste avant d’y arriver, on doit passer un pont qui donne accès à la vue de ce qui se passe en dessous – vous le devinez – un gros bouchon. Nous avons donc continué sur les petites routes pour regagner le poste frontalier franco – luxembourgeois à Dudelange. Dire qu’on a mis une heure et demie pour quarante-huit kilomètres. On était bien parti.

Puisqu’on en apprend toujours, voici un point qui me tient à cœur et que je ne peux que vous conseiller de vérifier avant de partir à l’étranger. Nous avions convenu que je partirais en premier et que Nicolas me suivaient. Après les premiers deux cents kilomètres, j’ai quitté l’autoroute pour nous arrêter un moment sur une aire de stationnement. Au moment où Nicolas nous rejoignait, il me dit qu’il avait essayé de me téléphoner – hélas sans succès. Comme je n’avais entendu aucune sonnerie, qu’on ne peut pas ne pas entendre avec un kit main libre, j’ai vérifié si mon portable était bien allumé. Oui – il est bien allumé – où est donc le problème ? Dans les jours suivants, j’ai de nouveau essayé de téléphoner et demandé qu’on m’appelle – sans succès. A mon retour je me suis rendu à mon poste de vente et ai exposé ce qui m’est arrivé. Après vérification, il s’est avéré qu’au moment de l’achat j’avais demandé de bloquer le roaming. Faute d’avoir vérifié ce que l’opérateur entendait par « bloquer le roaming » et l’interprétation que j’en faisais, il y avait eu des différences. Alors que moi je partais du principe d’un blocage du roaming data, l’opérateur avait effectué un blocage complet, data et call. Même si j’y suis pour quelque chose pour ne pas avoir vérifié, je me pose néanmoins des questions sur un prestataire de services, qui part du principe qu’on ne veut pas téléphoner à l’étranger alors que le problème du roaming data est connu et fait la une des journaux régulièrement.

Pour ce qui est du chemin, rien d’autres de particulier à signaler même le passage à Lyon n’a pas posé de problèmes.

Arrivé au Puy-en-Vellay, j’ai eu une pensée pour le Camino en deux mille quatorze. J’ai profité pour faire le plein sur place, avant d’attaquer les petites rues menant à Goudet, où nous sommes arrivés vers dix-huit heures, soit onze heures après le départ au Luxembourg.

Goudet est un petit village dans le département de la Haute Loire en région Auvergne, à une altitude de huit cent trente mètres. Le château de Beaufort, dont on voit encore les vestiges date du XIIIe siècle, a été détruit pendant la guerre de Cent Ans et fut reconstruit au XVe siècle. Actuellement des travaux de restauration sont en cours et, depuis le haut de l’édifice, on a une belle vue sur le village qui en son temps comptait plus de six cents habitants, dont à peine un dixième y réside encore aujourd’hui.

C’est au gîte d’étape et ferme auberge de la famille Massebeuf que nous dormirons cette nuit. Avant de ranger nos affaires, il faut mettre Henry et Titus dans le pré après le long trajet en van. Inutile de préciser qu’ils y trouvent leur plaisir et bientôt préfèrent largement se balader et brouter que de nous tenir compagnie. Le patron est plus qu’accueillant et le courant passe très vite avec l’exploitant. Ce sont visiblement encore nos ânes qui ont largement contribué à cet accueil, y compris la grâce manière de s’y prendre avec les locaux que nous avons apprise au fil du temps lors des balades avec nos amis aux longues oreilles.

Quand nous passons à table, commence un rituel que nous aurions pu enregistrer puisqu’il sera le même tous les soirs. D’emblée, Gisèle met en garde qu’elle ne mange surtout pas d’ail et Christiane veut du végétarien : ce qui n’a jamais posé de problèmes. En attendant d’être servis, nous consultons le petit guide, qu’on trouve dans tous les gites et hôtels, qui renseigne tous les logis du chemin avec une petite légende pour chaque descente. Ce qui nous intéresse surtout sont deux onglets : celui en vert avec un âne et celui en brun avec un chien, ce qui veut dire que l’accueil et une place pour la nuit pour nos animaux sont garantis. Comme mon téléphone ne fonctionne malheureusement pas, c’est Nicolas qui se charge de la réservation en transmettant à celui qui décroche de l’autre côté le message suivant : «  Bonjour, mon nom est Nicoals. Nous sommes sur le chemin de Stevenson et je voudrais savoir si vous avez pour demain soir une place pour un couple, deux célibataires, deux ânes et un chien ». Vous voyez l’aubergiste qui reçoit l’appel et qui fait vite le compte dans sa tête ??? Normalement, la réponse est prompte mais il y en a qui mettent du temps à bien saisir la commande de Nicolas. Au début, nous ne sommes pas trop surpris d’entendre qu’on est complet – alors essayons encore un autre – il en reste dans le guide à la même adresse. Parti comme homme marié, devenu célibataire pour la cause, je me réjouis quand même d’avoir retrouvé mon épouse à mon retour – sacré Nicolas.