Si la loi du plus fort est la loi de l’amour, les détenteurs de capital n’auront aucun intérêt à y faire défaut en cherchant à se dérober à la solidarité, mais tous devront et voudront s’en tenir à elle selon leur responsabilité incontournable. Si la loi du plus fort est la loi de l’amour, la charité (du latin « caritas ») devra habiter chacun de nos cœurs et l’entraide nous être chère (du latin « carus, a, um »). Dès lors, personne ne pourra vouloir ne pas contribuer selon ses moyens à la justice sociale qui nous concerne tous sans exception, s’agissant de notre vie communautaire aux relations multilatérales.

La loi du plus fort est tout d’abord et surtout la loi de l’être indépendant qui est en lui-même et de lui-même tout entier lui-même, c’est celle de l’absolu relationnel pour qui les verbes « être » et « aimer » sont synonymes, c’est la loi de la force autosuffisante et bienveillante (voir Ps 27/28,7) qui nous garantit l’autonomie de nos identités relationnelles s’exprimant en termes d’interdépendance et de bienfaisance naturelles. Bien être en tant qu’être humain, ce n’est pas se vanter d’un néant qui n’a qu’à perdre, mais c’est vivre grâce à l’être qui est amour.

Sans l’amour charitable rien n’a aucune valeur, voilà ce que Paul écrit dans la 1re épître aux Corinthiens (voir 1 Co 12,31 – 13,13). À l’humanité donc de choisir entre ce qui ne vaut rien et ce qui a toute sa raison d’être, entre des richesses que la mort digère et d’autres que l’amour nourrit, entre l’inconvenance conflictuelle et la logique contractuelle, entre le tort et la raison.

Qui oserait en effet s’en prendre au Logos en s’imaginant pouvoir le réduire à ce qu’il n’est pas ? Qui oserait s’en moquer en prétendant par exemple que l’argent peut tout pourvu que les armes à feu surabondent ? Le roman Dombey and Son de Charles Dickens montre bien en quoi M. Dombey, riche homme d’affaires, s’est trompé en répondant au petit Paul (‘little Paul’), son plus jeune enfant qui allait mourir, que l’argent pouvait tout (chapitre VIII : ‘Papa! what’s money? […] I mean, what’s money after all. […] I mean, Papa, what can it do?’ – ‘Money, Paul, can do anything’). L’amour est autrement fiable que l’argent et c’est cette fiabilité-là, celle de l’amour, qui compte par-dessus tout (d’où Mt 6,22-24.33) et qui ne risque pas de financer n’importe quoi ni de s’avilir en s’abusant (voir e. a. Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, XXVIII, La Fausse Monnaie).

Qu’il soit enfin permis de parler d’un ensemble de la communauté humaine en ayant recours au pronom « on » qui n’en exclut pas ni n’en octroie l’appartenance, mais qui en fait le constat tout en veillant à respecter chaque personne en son libre arbitre : On parle de Dieu, du monde et de l’âme ; l’homme est un être individuel, universel et théologique. Aussi l’individu ne peut-il pas vouloir nuire sans se tromper, le monde n’entendant pas s’autodétruire et la loi du plus fort n’étant autre que la loi de l’amour (voir 1 Jn 4,16) qui se communique à tout être conscient en termes de bienfaisance, de justice et de paix.

Marc Gilniat