La distinction entre libertés et droits

Quelle est la différence entre une liberté et un droit ? Le constat d’une liberté renvoie d’abord et surtout à la responsabilité personnelle de qui agit en accord avec lui-même, selon sa propre décision à la mesure du possible. Un droit n’engage pas que la responsabilité de qui agit ainsi (librement), mais associe encore à son libre choix la reconnaissance d’un vis-à-vis individuel ou d’un au-delà collectif (consensus social) qui lui accorde cette liberté à titre de droit.
Un corps social qui définit un droit s’engage autrement que lorsqu’il définit une liberté. Dire à quelqu’un qu’il est libre de faire quelque chose, c’est évoquer la possibilité qu’il a de faire ce qui lui semble juste et bon. Lui dire qu’il a le droit de faire quelque chose, c’est de surcroît lui reconnaître et valider la décision qu’il prend. On peut revendiquer une liberté et un droit, mais ce qui distingue le droit de la liberté, c’est que le droit revendique lui-même une reconnaissance à laquelle la liberté ne prétend pas. Ainsi donc, le droit et la liberté font autrement loi. Quant au droit, la loi définit jusqu’où une action est légale et revendicative ; quant à la liberté, la loi ne définit qu’à partir d’où son action devient illégale. Il faut donc légiférer sur les droits et les libertés sans en ignorer les nuances sémantiques.
Le droit fait appel à la loi pour inciter au devoir – c’est le côté directif d’un droit – alors que le devoir se prévaut de la raison (et donc du libre arbitre) pour n’approuver la loi qu’en faveur de la droiture morale de qui agit dans une situation concrète tout en assumant sa responsabilité personnelle et décisive, question d’autonomie. Le sens (logos) du devoir assujettit la loi (nomos) à la justice (ou au droit à proprement parler). Quant à la loi constitutionnelle d’un pays, il faut s’avouer qu’elle concerne le corps social dont elle souhaite garantir la cohésion.
Marc Gilniat, Eppelduerf