Pour l’Ukraine, sans compromis

Il y a quatre-vingts ans, nos régions ont été délivrées du joug nazi. On a rendu hommage à nos libérateurs. Comme les grains d’un chapelet, les fêtes commémoratives se sont succédé à travers les villages de l’Oesling. Un peu partout, en France, en Belgique : le même scénario.
L’Ukraine, un jour, qui pourra-t-elle fêter à part son propre courage ?
En comptant les croix qui peuplent, à travers les contrées d’Europe, les cimetières militaires de la Première et de la Deuxième Guerre, il est tout à fait concevable que les nations européennes refusent de sacrifier leurs jeunes soldats pour une guerre qu’elles ne croient pas encore à leur porte, surtout qu’aucune alliance ne les y engage. Quant aux États-Unis, faisons abstraction de leur président actuel, personnage indigne, et rappelons-nous justement en cette année du quatre-vingtième anniversaire de la Libération, qu’ils ont largement payé leur tribut lors des conflits mondiaux qui ont ravagé le vieux continent.
Cependant, rien ne justifie de lésiner sur les mesures d’ordre politique et matériel pour soutenir l’Ukraine. Certes, une Europe affaiblie, exsangue en matière d’équipement militaire, peine à se réinventer en puissance. Se ressentant aujourd’hui des contrecoups du pacifisme dans lequel elle a été noyée, dans une euphorie idéologique qui marqua le temps après la guerre froide (le fameux « désarmement »), elle souffre du manque douloureux de presque tout dans le domaine des armes lourdes. Ainsi, les dirigeants européens hésitent à se dépouiller de leur maigre artillerie.
Néanmoins, sur le champ politique, il est tout à fait incompréhensible que des ambassadeurs et diplomates russes siègent encore en Europe et que des avions partent toujours vers la Russie depuis des aéroports européens. Pourquoi manque-t-on du courage nécessaire pour mettre en place un vrai blocus afin d’isoler une nation qui mène une guerre d’agression depuis trois ans, déporte des enfants et massacre des civils ? Les (demies) mesures tièdes qui tiennent lieu de « sanctions » ne sont guère dissuasives. Des bombardements russes continuent de pleuvoir sur l’Ukraine, ensevelissant des villages entiers et, surtout, des vies. La solidarité envers l’Ukraine exige une détermination au-delà de tout relativisme. Les rôles dans cette guerre sont clairement définis : La Russie (comprenons bien : le Kremlin, non la population civile russe) est l’agresseur, l’Ukraine la victime. Absolument rien, ni en fouillant les passés respectifs de ces deux pays, ni en évoquant une minorité russophone soi-disant oppressée sur le territoire ukrainien, ne justifie le carnage d’un peuple.
L’armée ukrainienne tient bon. On ne peut que s’agenouiller devant la vaillance de ces hommes et ces femmes qui défendent leur patrie, dans la boue, dans les tranchées, sous le feu russe. La question qui nous hantera un jour se résume à une seule phrase : Pouvons-nous nous flatter d’avoir assez aidé l’Ukraine ?
Kelly Meris-Weber
Strassen